Quand les djihadistes étaient nos amis

Quand les djihadistes étaient nos amis

Pendant une période comprise entre la défaite cinglante des Etats-Unis en Indochine (avril-mai 1975) et les craquements en chaîne dans les pays européens satellites de l’Union soviétique (notamment en Pologne, où l’état d’urgence est proclamé en décembre 1981), les Etats-Unis et l’Europe occidentale imaginent, ou font croire, que Moscou a lancé une grande offensive mondiale.

En Afrique, l’Angola et le Mozambique, nouvellement indépendants, semblent lui tendre les bras ; en Amérique centrale, des guérilleros marxistes font tomber une dictature proaméricaine au Nicaragua; en Europe occidentale, un parti communiste prosoviétique oriente pendant quelques mois la politique du Portugal, membre fondateur de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord.

L’invasion de l’Afghanistan par l’Armée rouge, en décembre 1979, semble marquer une fuite en avant de Moscou. Elle ouvre une nouvelle étape de la guerre froide entre les deux blocs. Le combat des moudjahidins (« combattants de la foi engagés dans le djihad ») afghans va apparaître comme providentiel pour contrer les ambitions hégémoniques prêtées à l’Union soviétique. Et, souvent, être célébré à la façon d’une épopée.

Peu importe que la quasi-totalité de ces combattants héroïsés soient des musulmans traditionalistes, intégristes, même.

À cette époque, la religion n’est pas nécessairement perçue comme un facteur de régression, à moins qu’elle s’oppose, comme en Iran au même moment, aux intérêts stratégiques occidentaux. Mais ce n’est le cas ni dans la Pologne catholique couvée par le pape Jean Paul II, ancien évêque de Cracovie, ni, bien sûr, en Afghanistan.

Par conséquent, puisque la priorité géopolitique est que ce pays devienne pour l’Union soviétique ce que le Vietnam a été pour les Etats-Unis, un récit médiatique quasi unique va, pendant des années, exalter les moudjahidins, présentant leur révolte comme une chouannerie sympathique, attachée à sa foi.